Honte à qui peut chanter
En mil neuf cent trent’-sept que faisiez-vous mon cher ?
J’avais la fleur de l’âge et la tête légère,
Et l’Espagne flambait dans un grand feu grégeois.
Je chantais, et j’étais pas le seul : «Y a d’ la joie».
Refrain :
Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
Que Rome brûle, ell’ brûl’ tout l’ temps…
Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
A Gavroche, à Mimi Pinson.
Et dans l’année quarante mon cher que faisiez-vous ?
Les Teutons forçaient la frontière, et comme un fou,
Et comm’ tout un chacun, vers le sud, je fonçais,
En chantant : «Tout ça, ça fait d’excellents Français».
(au refrain)
A l’heure de Pétain, à l’heure de Laval,
Que faisiez-vous mon cher en plein dans la rafale ?
Je chantais, et les autres ne s’en privaient pas :
«Bel ami», «Seul ce soir», «J’ai pleuré sur tes pas «.
(au refrain)
Mon cher, un peu plus tard, que faisait votre glotte
Quand en Asie ça tombait comme à Gravelotte ?
Je chantais, il me semble, ainsi que tout un tas
De gens, «Le déserteur», «Les croix», «Quand un soldat».
(au refrain)
Que faisiez-vous mon cher au temps de l’Algérie,
Quand Brel était vivant qu’il habitait Paris ?
Je chantais, quoique désolé par ces combats :
«La valse à mille temps» et «Ne me quitte pas».
(au refrain)
Le feu de la ville éternelle est éternel.
Si Dieu veut l’incendie, il veut les ritournelles.
A qui fera-t-on croir’ que le bon populo,
Quand il chante quand même, est un parfait salaud ?
(au refrain)